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Moteur, ça tourne et fuyons ! Typologie du monstre au cinéma

Créature à la fois effrayante et fascinante, le monstre est depuis des siècles le sujet d’autant d’histoires qu’il n’y a de cultures. Omniprésent dans les mythologies antiques jusqu’aux romans actuels, c’est avec l’invention et l’essor du cinéma que celui-ci a pris une place plus qu’importante dans l’imaginaire collectif. Il représente un exutoire pour nos peurs, une incarnation nous dédouanant de nos pensées les plus sombres, une aberration qu’il faut pointer du doigt, monstrare de son étymologie latine. Cependant, bien qu’un comportement dit « monstrueux » puisse être attribué à une personne et ses actions, cet article traitera seulement du monstre en tant que créature se définissant non-humaine.

Beauté terrifiante et monstre séduisant, ils nous ensorcellent

Le monstre naît par accident, autrement dit, le monstre est monstre de par son apparence non-reconnaissable puisqu’il a été raté. De ce fait, l’apparence du monstre est alors associée à ce qui est étrange, ainsi, de ce qui ne rentre plus dans la norme.

En temps normal, chaque action de n’importe quel antagoniste est immorale, allant d’une « simple » méchanceté comme une vengeance à des plans élaborés pour nuire non plus par vengeance mais par simple envie de le faire. En conséquence, le rôle du monstre est amplifié par son apparence. Par exemple, dans La mouche de David Cronenberg (1986), Seth Brundle, scientifique brillant, décide d’être le cobaye de l’une de ses expériences sur la téléportation. Malheur pour lui, une mouche se glisse dans la machine les fusionnant tous deux. On assiste à la transformation horrifique et dégoûtante du personnage. Seth Brundle devient alors un personnage hybride mi-homme, mimouche s’attaquant au premier venu. On notera également que le procédé de transformation s’effectue sur du long terme. En effet, avant d’arriver à sa transformation finale, on voit le personnage de plus en plus défiguré effrayant les autres personnages et le spectateur. C’est alors, dans son apparence que réside la monstruosité. Horrifié par sa transformation, le scientifique Brundle tente alors de rectifier le tir et de stopper la transformation. Pour cela, il commet plusieurs atrocités, on comprend, alors, ce qui fait un monstre est d’abord par l’apparence et non par ses actions. Ainsi, l’antagoniste est monstrueux d’apparence et c’est ce qui est profondément lié à son rôle.

Même s’il e st évident qu’un monstre à l’apparence extrêmement éloignée de la nôtre puisse nous effrayer, l’inverse est tout aussi vrai. En effet, il existe des monstres de formes humanoïdes tels que : les sorcières, les sirènes, les harpies, les vampires, etc. On y retrouve cet aspect hybride, mi-humain mi-créature, on peut alors penser aux nombreux films ayant porté le personnage de Dracula à l’écran. Ce dernier incarnait, avec fascination, nos peurs malgré son apparence humaine. Autrement dit, lors de sa première apparition, Dracula avait pour but d’effrayer ; c’était sa fonction première, une créature qui se tapissait dans l’ombre. Rappelons-le, Dracula est effectivement un vampire mais d’apparence humaine, il se différencie par ses canines acérées et longues mais aussi selon certaines représentations avec des oreilles pointues et un teint blafard. Nous nous éloignons alors de cette image hideuse du monstre. Dracula, créature de la nuit, est alors dépeint comme un être élégant et beau, voire séduisant.

« Depuis mon enfance, je suis fidèle aux monstres, ils m’ont sauvé. Parce que les monstres, je crois, sont les saints patrons de notre bienheureuse imperfection. Et ils permettent et incarnent la possibilité d’échouer et de vivre ».

Citation anonyme

Ainsi, la représentation de Dracula dans le cinéma st tout autre en comparaison avec celle de la Mouche. On cherchera à le mettre en valeur durant toute sa saga, puisque celui-ci est issu de l’aristocratie selon son histoire. Pourtant, Dracula reste fidèle au monstre qu’il est. Comme on le sait, même s’il est tel que nous, ce qui en fait un monstre n’est plus son apparence mais son comportement. Toutefois, son aspect n’est pas à négliger, puisque celui-ci n’a pas pour but d’être repoussant. Il utilise alors ses charmes et ses attraits physiques afin de commettre ses crimes. Ainsi, que le monstre soit hideux ou séduisant, son apparence a une influence capitale sur son rôle et sa représentation cinématographique. Comme dans La mouche, il se distingue de l’être humain quand il parvient à l’effrayer.

Un héros monstrueux

On associe souvent le monstre à l’antagoniste, l’ennemi à abattre ou simplement l’adversaire qui permettra de faire avancer l’intrigue de l’histoire ou le développement du héros. Nous pouvons résumer le monstre ainsi, n’étant qu’une simple créature aidant le héros à s’élever. Cependant, cela signifie que sans le monstre il n’y a plus d’histoire, plus de héros car « tout bon héros a besoin d’un bon méchant ». On peut comprendre que le héros et le monstre ne sont que deux faces d’une même pièce. Également, le monstre en tant qu’antagoniste représente les imperfections du héros sur tous les plans (moral et physique). Nous redoutons nos imperfections, c’est en partie pour cela que le monstre existe. Pourtant, nous ne pouvons pas rejeter indéfiniment nos imperfections, c’est ce qui fait de nous des personnes uniques. Alors, partons de l’idée d’un monstre bienveillant cherchant à bien agir et à s’affranchir de son image de créature malveillante, mangeuse d’humain.

On peut citer le film d’animation Monstres et Cie, d’apparence ils ne sont pas effrayants pour le spectateur, mais dans le contexte du film ils sont effrayants. Tout le long du film, leur but est d’effrayer les enfants pour le fonctionnement de leur monde. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, les personnages évoluent ne cherchant plus à effrayer, ce qui contraste avec leurs formes. Jacques Sullivan (alias Sully), par exemple, est imposant, de forme carrée marquant qu’il s’agit d’un personnage fort. Ce sont des éléments qui tendent vers un personnage méchant et effrayant, mais qui pourtant sont utilisés pour protéger, notamment Bouh plus petite que lui et plus fragile. Comme nous l’avons vu, leurs apparences sont loin d’être effrayantes mais plutôt mignonnes avec des couleurs pastelles. Autre remarque, dans Monstres et Cie, l’antagoniste ne correspond plus aux éléments habituels du méchant. C’est-à-dire que, Randall Boggs (alias Léon), le méchant de l’histoire est d’apparence l’opposé de notre protagoniste, il est fin et petit. C’est un personnage discret qui se fond dans le décor de par son apparence mais aussi le fait qu’il s’agit d’un caméléon, ce qui accentue son côté sournois. Monstres et Cie renverse totalement la tendance d’un protagoniste d’apparence plus faible que son antagoniste.

En prenant un autre exemple le film Hellboy (Guillermo del Toro, 2004) le protagoniste est un monstre mais de forme humanoïde. Malgré sa forme de monstre humanoïde, le spectateur s’identifie au monstre. On notera, qu’en général un monstre protagoniste est esthétiquement beau et/ou mignon, jusqu’à présent il est rare de voir des créatures vraiment repoussantes comme la Mouche qui soit un héros. On se rapproche de près comme de loin d’une forme humaine ce qui facilite l’identification mais maintient l’idée que la laideur et la monstruosité seront profondément liées uniquement à l’antagoniste et que seuls les beaux ont le mérite d’être des héros. Outre l’apparence humanoïde qui favorise une meilleure identification au monstre, les actions liées à son apparence la facilitent aussi. Par exemple, on peut citer la saga X-Men illustrant parfaitement un problème, ou : le racisme. En effet, il existe des mutants et des humains, les mutants soit les X-men, souhaitant être traités comme n’importe quel humain malgré leurs différences. D’autant plus que la plupart ressemblent à des humains. Les monstres sont monstres dans les cas cités uniquement d’apparences qui certes sont proches de celle de l’humain mais avec quelque chose en plus et/ou de différent. Malgré une légère différence d’apparence, ce n’est pas l’aspect qui sera marqueur d’identification. Tout comme Dracula, l’apparence n’est pas négligeable elle sert à appuyer une cause, une idéologie ou simplement un message, mais le but reste le même malgré les différences nous partageons les mêmes idées.

Un rôle qui colle à la peau

Comme on a pu le voir jusqu’à présent, l’apparence monstrueuse est très utile dans le développement du personnage mais surtout dans sa représentation, notamment dans le cinéma permettant de faire vivre le personnage. Pourtant, dans certains cas de figure, le rôle du monstre se réduit à son apparence. Par exemple dans les stéréotypes ou plus simplement quand le personnage est sexualisé afin d’alimenter les fantasmes, tel que le film Une nuit en enfer ( Robert Rodriguez, 1996 ). L’antagoniste qui est une vampire utilise ses charmes pour arriver à ses fins. Le monstre n’est plus effrayant ni élégant comme avec Dracula et ses actions sont tout autant immorales. Dans le film, les plans ont été choisis pour mettre en valeur ses attributs de même que sa tenue ou encore son comportement qui se doit d’être immoral, mais reste dans cette case de la femme charmeuse, séduisante et sensuelle. D’ailleurs dans la grande majorité des cas, les femmes monstres sont humanoÏdes et énormément sexualisées, qu’elles soient antagonistes comme on a pu le voir ou protagonistes comme dans la saga Underworld où là aussi on retrouve une vampire avec ces clichés et fantasmes de la vampire sexy et séduisante toujours belle dans n’importe quelle circonstance. Il est difficile même en temps que monstre d’imaginer dans le monde du cinéma une femme hideuse, totalement repoussante tantôt pour les personnages tantôt pour le spectateur.

L’apparence du monstre joue un rôle majeur et permet, notamment dans le monde du cinéma, qu’il soit antagoniste ou protagoniste, d’accentuer la caractéristique du personnage ou encore de véhiculer une idéologie.. Toutefois, le cinéma reste profondément sexiste en tant normal il est difficile de voir des rôles féminins intéressants non-stéréotypés en personnages principaux et quand ceux-ci le sont notamment pour les monstres ils restent encore ancrés dans ces codes dénaturant le monstre. On ne s’intéresse plus au monstre par son apparence monstrueuse ou par sa morale mais uniquement pour nourrir un fantasme axé masculin.

Khristy Dian

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