Médiaphi

Édito : « Le Débat »

Pour faire un bon numéro, il nous faut toujours trouver un sujet susceptible d’être abordé selon différents angles, et qui puisse faire émerger des positions différentes. Le Médiaphi chercherait donc des sujets à débat… mais au fait, qu’est-ce que ce « débat » dont nous avons fait notre ligne directrice ? Voilà, d’un côté, un sujet plus complexe qu’il n’y paraît, et de l’autre, une rédaction jeune et pleine d’entrain, puisqu’elle accueille cette année de nouveaux membres ! Le match a porté ses fruits : nous voici avec ce numéro tout frais, qui n’a pas manqué de plonger l’équipe dans des débats remplis d’effroyables mises en abyme.

Cette question fait surgir des attitudes pour le moins divergentes, c’est ce que nous avons pu constater. Si en effet dans Qu’est-ce que la philosophie ? Deleuze et Guattari proclamaient que celle-ci « a horreur des discussions [et que] le débat lui est insupportable, non parce qu’elle est trop sûre d’elle : au contraire, ce sont ses incertitudes qui l’entraînent dans d’autres voies plus solitaires » ; voilà qui n’est pas l’avis de Kant. Dans Qu’est-ce que les lumières ?, ce dernier faisait dépendre l’accès d’un peuple à son autonomie de « la liberté la plus inoffensive de tout ce qui peut porter ce nom, à savoir celle de faire un usage public de sa raison dans tous les domaines », autrement dit de l’assurance d’un débat libre et public à même de propager les Lumières. Déterminer si ces propositions sont contradictoires ou si elles peuvent cohabiter sera l’objet de notre discussion. Loin d’être une question des temps anciens, réservée à quelques philosophes qui auraient achevé de l’épuiser, le débat est un problème qui doit être sans cesse actualisé et se conjugue à tous les temps.

C’est ainsi qu’au cœur du Parc de la Tête d’Or, lieu emblématique de Lyon,  autour d’un pique-nique, nos rédacteurs et rédactrices se sont retrouvé•es pour échanger autour de ce thème. Le calme du lieu tranchait avec la houle du sujet ! Débattre du débat, vous aviez déjà fait ? Entre toutes ses définitions, conceptions, finalités, jusqu’aux conditions mêmes de sa possibilité, c’est bien ce à quoi nous nous sommes adonné•es. Finalement, chacun•e aura droit à la parole, puisque nous avons opté pour une série d’articles en triptyque. Aussi dans le premier article du dossier (Les vertus discrètes des débats difficiles), Valentin a-t-il défendu une vision du débat comme espace de représentation et de liberté d’expression, dont la possibilité est garantie par l’attitude des débatteur•ices. La seconde partie, écrite par Justin et Juliette, (Le débat idéal et ses obstacles) s’est quant à elle à attachée à relever les difficultés qui freinent la possibilité d’un tel débat, en dépit de la volonté des discourant•es et des moyens mis en place. C’est pourquoi la dernière partie du triptyque, présentée par Zéphora et Marin (Contre l’idéalisme : ancrer le débat dans la pratique), propose une nouvelle conception du débat, réalisable – et d’ailleurs déjà réalisée !

Pour observer le débat, encore fallait-il le mettre en œuvre. Et par quels moyens ? Quelles institutions ? Quels outils techniques ? Nos contributeur•ices se sont aussi posé la question : Sidoine Delteil (Les réseaux sociaux sont-ils un progrès pour les débats ?) s’intéresse à ce que pourraient ou non lui apporter les réseaux sociaux, tandis que le militant Philippe Nous s’est interrogé (Antispécisme vs. humanisme : l’absence de débat) sur… l’absence de débat, du moins sur celui qui n’a pas lieu entre humanistes et antispécistes. Dans son récit (Rire avec les oppresseurs), Henri Clerc réfléchit aux usages de l’humour dans les rapports de domination : voilà un sujet qui fait débat…. Une contribution qui devait rejoindre le numéro 21 mais qui, suite à une erreur de notre part, arrive avec un peu de retard – mais qui trouve finalement sa place dans ce dossier !

Et comme le débat est invasif, il n’est pas resté sagement confiné dans son dossier : profitant du nouveau format initié dans le précédent numéro, il s’est invité dans les rubriques adjacentes. Ainsi le retrouve-t-on dans « L’actu philosophée », où Juliette a questionné ses enjeux politiques sous deux pratiques apparemment démocratiques, le vote et le consensus, mais aussi dans « Game phil’ », où Justin et Hugo  ont analysé les discours du jeux vidéo pour donner à voir comment nous communiquons effectivement avec et par les jeux. Heureusement, pour souffler un peu, les rubriques laissent aussi la place à d’autres sujets…

Si le débat s’invite toujours dans nos numéros, il n’avait encore jamais eu le premier rôle. C’est chose faite !

La rédaction

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